Entrevue avec Dre Geneviève Dechêne

 

C’est une femme passionnée qui m’a accueillie au CLSC de Verdun pour parler des soins de la santé à domicile. Les CLSC ont un mandat de base de donner des soins à domicile pour tous les Québécois en perte d’autonomie, mais qui n’inclut malheureusement pas les soins médicaux. Le CSSS du Sud-Ouest a incorporé sept médecins dans son équipe interprofessionnelle afin de mieux servir les patients qui en ont le plus besoin.

Les lundis et les jeudis, Dre Dechêne visite des patients chez eux. Pas des visites de routine. Non, ça elle en fait quelques-unes tout au long de l’année, mais le lundi et le jeudi, c’est un peu comme du sans rendez-vous à la maison. Si la condition du patient nécessite une visite médicale, ce dernier ou son infirmière téléphone au CLSC le matin. Pas besoin de se déplacer à l’hôpital; le médecin administre les soins au domicile du patient. En plus d’offrir un service de qualité et de répondre rapidement à une urgence, les soins médicaux à domicile désengorgent les urgences.


Q. Comment est venue l’idée d’intégrer des médecins dans vos équipes ?

Au Québec, et c’est unique en Occident, on n’a pas pensé d’intégrer de façon obligatoire les médecins aux équipes de soins à domicile des CLSC. Ça semble logique, mais nos syndicats et le Ministère n’y ont pas pensé. Ce qui est dommage puisque les patients les plus malades sont ceux qui ne peuvent pas se rendre au cabinet. Pas de médecin à domicile, ils sont obligés de se rendre à l’hôpital !

Nous trouvions que ça n’avait pas de bon sens. Nous nous sommes intégrés à l’équipe de soins à domicile du CLSC : nous sommes sept médecins à faire des visites à domicile en équipe avec les infirmières du CLSC. Nous avons développé un modèle interprofessionnel qui reproduit ce qui se fait déjà en Europe, au Canada anglais et aux États-Unis. Nous reproduisons à petite échelle, ici, à Verdun, ce qui se fait déjà ailleurs. Le Québec accuse un retard, et c’est malheureux puisque nous avons la structure nécessaire dans les CLSC et qu’il n’y manque que les médecins.


Q. Pourquoi il n’y a pas plus de médecins à domicile au Québec ?

La rémunération et la formation des résidents en médecine familiale sont les principaux obstacles. Le médecin qui décide de faire de la pratique à domicile est payé la moitié, voire le tiers d’un médecin qui travaille en milieu hospitalier. Les visites à domicile auprès d’une clientèle en fin de vie demandent plus de temps. Puis il y a des punaises, des logements insolubles, il faut pelleter pour s’y rendre, trouver un stationnement. Est- ce que la rémunération pourrait suivre ?

Les étudiants en médecine sont découragés de faire du domicile : le CLSC de Verdun est le 1er au Québec à offrir un stage d’un mois de médecine intensive à domicile dans le cadre d’une restructuration du programme de médecine familiale à l’Université de Montréal.


Q. Qui peut recevoir des soins à domicile?

Toute personne trop malade pour se déplacer au cabinet. Nous avons beaucoup de soins gériatriques et palliatifs, que ce soit une insuffisance pulmonaire, une dialyse rénale ou un cas de cancer avancé. Au bureau, ou même à domicile, l’examen annuel d’un patient en bonne santé n’apporte aucune plus-value. Par contre, voir un patient rapidement lorsqu’il a un problème de santé aigu ou une détérioration de son état est essentiel.


Q. Quels sont les avantages des soins de santé à domicile ?

La visite commune médecin-infirmière permet d’arrimer tous les services du CLSC avec le diagnostic du médecin… en plus de désengorger les urgences. Cela permet de stabiliser la situation à la maison. Je visite uniquement des patients qui en ont besoin et leur évite une visite à l’hôpital. Notre équipe est basée sur la visite médicale à domicile lorsque le patient en a besoin, ce que l’on appelle l’accès ouvert. Lorsque nos médecins visitent à domicile des patients en fin de vie, 60 % resteront à domicile jusqu’au décès contre 10 % pour des patients suivis à distance par des médecins de cabinet ou d’hôpital. Les patients en fin de vie désirent tous éviter l’hospitalisation : vivre à domicile signifie pour eux « vivre » alors qu’à l’hôpital, cela signifie « attendre la mort » dans un milieu qui n’est pas toujours agréable, confortable et calme. Leur qualité de vie à domicile est nettement supérieure et tous nos efforts vont dans le sens d’éviter pour eux les hospitalisations.

Espérons que plusieurs autres CLSC suivront l’exemple.