Par Aurélie Crétin – Psychologue TCC - Lyon
Auteur de « Vivre mieux avec les émotions de son enfant », Ed. O. Jacob.

 

Oscar 8 ans rentre après l’école et s’aperçoit que le bateau pirate de son jeu de construction a été cassé. Il est pris d’une colère qui l’amène à crier et jeter ses si précieuses pièces. Ses parents ne le comprennent pas : « ce n’est qu’un jeu, ce n’est pas grave ! Je ne comprends pas pourquoi il se met dans des états pareils », « En même temps c’est insupportable de le voir ainsi, je ne peux pas le laisser comme ça, il faut que je l’aide par tous les moyens ».

Il est vrai qu’en tant que parents, il peut être parfois déroutant, inquiétant, paralysant, agaçant… de ne pas comprendre la réaction de son enfant face à une situation qui peut paraître peu importante aux yeux de l’adulte.

Pensées > Emotions > Réactions
Il est important de se rappeler que l’émotion que ressent l’enfant est liée à sa manière d’interpréter une situation à travers le prisme de son âge, de ses expériences… En fonction, entre autres, de son interprétation de la situation, sa réaction sera bien différente ! L’enfant est en apprentissage. Avant d’essayer de trouver des solutions en partant du principe que son enfant n’arrive pas à gérer ses émotions, demandons-nous s’il gère si mal ses émotions ? Il est important de se rappeler que l’enfant est en construction. Son développement cérébral et cognitif n’est pas encore terminé. Cela implique que les aires cérébrales lui permettant d’identifier et gérer ses émotions ne sont pas encore matures, tout comme leurs connexions. Il ne peut donc gérer rapidement et rationnellement les émotions qu’il rencontre. Par ailleurs, le langage qui permet à l’enfant de pouvoir extérioriser ses émotions est également en cours d’acquisition. Il n’a donc pas accès à tous les moyens pour comprendre, extérioriser, et gérer ses émotions. Avec ces quelques premiers éléments, il me semble que nous pouvons donc plus facilement accepter qu’un enfant puisse ressentir des émotions fortes et avoir besoin de temps pour les digérer et apprendre à faire avec.

Les émotions sont utiles et nécessaires à l’enfant. Par exemple, la peur permet à l’enfant de comprendre qu’une situation peut être dangereuse, mobilisant ainsi plus rapidement des stratégies protectrices. La tristesse permet de « digérer » et de développer des stratégies pour limiter les pertes (ranger son jeu à tel endroit par exemple). La colère  permet à l’enfant d’identifier que quelque chose n’est pas respecté chez lui, de montrer à l’autre ce qu’il ressent et de se mettre en action pour être respecté. Et puis, il y a aussi la joie ! Source si importante et nécessaire pour que l’enfant ait envie d’avancer, pour qu’il se sente bien. L’enfant ayant besoin de tout ce panel d’émotions, il est donc important de l’accompagner afin qu’il apprenne à faire avec. Si nous lui évitons toute émotion désagréable (ce qui est bien évidemment impossible), il en sera l’esclave.  Ainsi, un enfant qui vit au mieux avec ses émotions est un enfant qui ne vit pas que des émotions de plaisir.

Comment accompagner l’enfant sur le chemin des émotions ?
Parfois, nous pouvons être tentés de rechercher des solutions pour faire diminuer rapidement les émotions de l’enfant... Toutefois, le fait de rechercher à les atténuer si vite ne permettra pas à l’enfant d’être à leur contact et d’apprendre à faire avec.  

Accueillir ses émotions
Permettre à l’enfant de ressentir ses émotions, lui montrer qu’il a le droit de les ressentir et qu’elles sont légitimes sera à son service … « Et oui, c’est difficile de voir que ton bateau est cassé. En plus tu y tenais beaucoup ! Je comprends que ça te rende triste». La bienveillance et l’accueil des émotions de l’enfant sont très puissants et rassurants. L’enfant se sent ainsi entendu, pris en compte, en sécurité et non jugé.