Par Denise Normand-Guérette, orthopédagogue, professeure associée au Département d’éducation et formation spécialisées de l’UQÀM, rédactrice en chef de la revue Psychologie préventive

 

Les parents veulent apporter un soutien à leur enfant pour qu’il soit heureux et qu’il réussisse autant à l’école que dans sa vie sociale et professionnelle. Ils veulent l’accompagner dans son cheminement et ils se demandent souvent comment le faire le plus adéquatement possible.

Il est important de soutenir leur enfant autant dans le développement de son identité humaine, que de son identité sociale et culturelle. Selon Guitouni, l’identité sociale et culturelle est la résultante des influences de l’environnement physique et social, des conditionnements, de la culture et de l’époque. C’est aussi le savoir acquis, le mode de vie et le rôle social. Quant à l’identité humaine, présente dès la naissance, elle comporte trois dimensions : instinctive, émotionnelle et rationnelle et deux mécanismes de base : la recherche de sécurité et la volonté de puissance1. « L’insécurité est déclenchée par le choc de la naissance et par la dépendance du nourrisson dans ses besoins de survie.2» En effet, l’enfant a des besoins instinctifs (nourriture, hygiène, sécurité physique, etc.) qui, lorsqu’ils sont comblés par ses parents, l’amène à vivre un sentiment de bien-être qui le sécurise. L’enfant est aussi animé par un élan naturel qui le pousse à agir par lui-même pour devenir de plus en plus autonome. Ce mécanisme se nomme « volonté de puissance ». Il ne s’agit pas d’une force physique, mais d’une forme de volonté qui est présente à la naissance chez tout être humain et qui est suffisamment puissante pour pousser l’enfant à vouloir agir par lui-même. Par exemple, l’enfant qui veut prendre lui-même sa cuillère pour manger seul est poussé par cette volonté d’agir sans recevoir d’aide pour devenir plus indépendant. Plusieurs signes indiquent qu’il veut se libérer de sa dépendance pour devenir autonome. Quand il dit : « Capable » et qu’il repousse la main de l’adulte parce qu’il refuse l’aide qu’on veut lui donner, comment peut-on agir ? Afin de lui faire sentir qu’on respecte son désir de faire les choses par lui-même, on peut expliquer à l’enfant : « Je tiens ta main pour te montrer comment faire le mouvement. Après je vais enlever ma main pour que tu manges seul. » Ainsi, la démarche de l’adulte aide l’enfant à développer sa persévérance, car cet apprentissage nécessite des efforts et du temps pour maîtriser le mouvement de manger avec la cuillère. De plus, il faut accepter qu’il y ait de la nourriture partout pendant qu’il fait cet apprentissage.

Différentes émotions sont vécues par l’enfant. Par exemple, la frustration de ne pas réussir à mettre la nourriture dans sa cuillère, puis dans sa bouche, l’impatience ou la colère parce que cela prend du temps pour arriver au résultat attendu et la fierté d’accomplir différentes actions par lui-même. Même avec le tout-petit qui n’a pas les mots pour exprimer ce qu’il vit intérieurement, on peut l’aider à comprendre ce qu’il ressent en nommant les émotions au moment où il les vit. L’enfant comprend plus qu’on le pense.

Prenons un autre exemple. À l’étape du « terrible 2 ans »3, l’enfant acquiert de plus en plus d’habiletés qui lui permettent de se déplacer plus facilement, de mieux communiquer, d’utiliser ses mains pour faire diverses activités, etc. Ces différentes habiletés renforcent sa volonté de puissance. Il est important de comprendre le sens de ses « non ». C’est une forme d’affirmation pour devenir de plus en plus indépendant. Cette période nécessite un encadrement qui est important pour éduquer cette volonté de puissance afin qu’elle ne devienne pas excessive. Il a besoin d’apprendre la limite de son droit. Cet encadrement signifie que selon les différents contextes, l’adulte peut accepter son refus dans certaines circonstances alors qu’à d’autres moments, l’enfant devra respecter ce qu’on lui demande.

L’enfant a aussi des besoins rationnels : connaître et comprendre le monde dans lequel il vit. Il est curieux et il a besoin qu’on le laisse explorer et apprendre à travers son observation et ses actions, tout en lui fournissant un environnement sécuritaire qui le stimule à agir. Il n’est pas nécessaire d’être constamment à ses côtés pour le guider. C’est en soutenant l’enfant pour répondre de façon équilibrée à ses besoins rationnels, émotionnels et instinctifs que l’adulte pourra l’aider à développer et renforcer son identité humaine. Et c’est grâce à cette identité humaine renforcée qu’il deviendra un adulte capable de faire face aux difficultés, de trouver un équilibre dans sa vie personnelle et d’exercer un rôle responsable au sein de la société.

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1. Guitouni, M. et Brissette, Y. (2008) L’intelligence émotionnelle et l’entreprise, Montréal : Éditions Carte Blanche. Guitouni, M. et Normand-Guérette, D. (1993) Entretiens avec Moncef Guitouni sur ses études du comportement des jeunes, Québec : Presses de l’Université du Québec.
2. Guitouni, M. et Brissette, Y. (2000) Au cœur de l’identité – L’intelligence émotionnelle, Montréal : Éditions Carte Blanche, p. 143.
3. Pour plus d’information sur cette période : http://naitreetgrandir.com/fr/dossier/la-crise-des-2ans/