Par Julie Pearson, éducatrice spécialisée et auteure du livre jeunesse Elliot paru
aux Éditions Les 400 coups, mais surtout maman entre autre d’un ado, Zacharie 14 ans !

 

Je me suis levée un matin et il y avait cette drôle de bibitte qui traînait au comptoir de la cuisine. Cette bibitte avait des membres supérieurs surdimensionnés, mangeait tout ce qui se trouvait à proximité et utilisait des sons particuliers pour exprimer son désaccord à chacune de mes phrases. Je me suis pincée. Qui avait transformé mon adorable petit garçon en adolescent ?

Quand ce petit être adorable ne faisait pas ces nuits, je rêvais du jour où ce serait moi qui le réveillerais le matin pour lui ordonner d’aller tondre le gazon. Maintenant qu’il me couche et qu’il se lève alors que j’ai déjà la moitié de ma journée de commencée, j’ai changé d’avis. Pas que je ne lui demande pas de tondre le gazon, mais je ne veux plus me venger !

Je ne veux plus depuis le jour où en regardant mon ado, je me suis vue 25 ans plus tôt.

Je me suis alors rappelé que moi aussi je criais haut et fort que je voulais être autonome, vivante et LIBRE ! Je me suis rappelé que toute personne qui tentait de me dire quoi faire, et qui avait plus de 18 ans, perdait carrément son temps. Je me suis rappelé que je trouvais mes parents vieux et hors-jeu malgré toute l’affection que je leur portais.

Puis, je me suis dit que moi, je ferais différemment, que moi, je laisserais une liberté à mon adolescent, une liberté qui lui donnerait des ailes. Mais pas trop quand même… j’ai vu trop de parents dépassés parce qu’ils avaient traité leurs enfants comme des adultes.

Je serais celle qui le protégerait, le guiderait, l’orienterait, le responsabiliserait pour qu’il soit prêt à traverser vers le monde d’adultes.

Facile à dire, moins facile à mettre en pratique. Surtout que maintenant, gérer les fréquentations de cette jeunesse n’est pas une mince affaire… Se vanter d’être une famille branchée sur le monde, c’est beau, mais c’est aussi tout un monde à gérer pour protéger nos adolescents !

La maman lionne (ou poule ?) en moi voulait protéger ce futur adulte-mais-encore-trop-petit-à-mes-yeux. Je voulais lui éviter toute blessure d’amitié, d’amour ou encore tout échec scolaire.

Devant ce gros contrat, j’avais l’impression d’échouer avant même que la partie ne soit commencée. J’ai dû me rendre à l’évidence : je devais le laisser expérimenter. Être présente oui, envahissante : non ! En fait, c’est ce qui est le plus difficile. S’ajuster au petit être humain qu’on a mis au monde, que l’on croyait connaître tant mais qui, une fois adolescent, nous paraît issu d’un autre monde. Lui laisser juste assez de corde pour qu’il expérimente mais pas trop pour qu’il reste bien accroché à sa vie ! Le laisser être ce qu’il souhaite. Le laisser aimer. Protéger notre relation si fragile mais si chère à nos yeux. Les mots magiques à retenir : « LUI FAIRE CONFIANCE ».

Finalement, je ne fais pas vraiment différemment de mes parents… je fais de mon mieux ! Et parfois, je fais même honte à mon ado ! Comme lorsque je me retrouve sur le bord du terrain de football, m’époumonant à encourager une gang de bibittes. Je voudrais me retenir, mais il y a ce joueur qui me rend si fière lorsqu’il se présente sur le terrain plein de courage devant les autres qui le dépassent pour plusieurs d’au moins une tête ! Il y a cette fragilité que je ressens en moi quand le numéro 5 est bousculé… quand mon ado redevient mon petit !