Prisca Ayassamy, étudiante des cycles supérieurs – Université du Québec à Montréal

 

Mon enfance sur mon île natale
Venant d’une famille où l’aîné est respecté et honoré, j’ai grandi avec un respect profond de mes grands-parents. La contrée d’où je viens, l’île Maurice, est peuplée de maisons où les générations se croisent, où l’on se raconte des histoires de longue date, où les soupers sont assaisonnés de rires, où les aînés sont assis à la place du chef de famille et où les décisions sont prises d’un commun accord. Les enfants issus de ces maisons valorisent leurs grands-parents et leur demandent conseil, car ils recherchent leur bénédiction pour leurs projets.

Le choc culturel dans un nouveau pays
Voilà six années que je suis au Québec, où non seulement la langue et le climat diffèrent, mais plus encore la relation intergénérationnelle, qui reste un sujet peu abordé. Ici, ces hommes et ces femmes sont presque systématiquement placés dans des maisons d’accueil où les visites se font de moins en moins fréquentes à cause de la vie trop chargée des enfants, qui sont eux-mêmes parents. Pourtant, ces aînés pourraient être des atouts pour ces parents très occupés en étant à la maison avec leurs petits-enfants afin de bâtir des liens forts et leur enseigner des connaissances extraordinaires qui sont souvent négligées par les générations actuelles. Malheureusement, ces parents un brin débordés par leur vie de boulot-métro-dodo préfèrent laisser l’éducation de leurs enfants à des éducatrices en  service de garde au lieu de nourrir les liens familiaux. Tout cela a pour résultat que la relation entre grands-parents, parents et petits-enfants se relâche et les liens s’affaiblissent au point où l’indifférence s’installe.

Essayer de comprendre les causes
Dans un contexte québécois, dès l’âge de l’adolescence, la vision de l’indépendance est associée à vivre seul ou avec des colocataires hors du nid familial afin de vivre ses propres expériences. La pression sociale peut aussi amener les jeunes à quitter le giron pour gagner en maturité en ayant plus de responsabilités. Pour les jeunes venant de familles plus traditionnelles, le fait de vivre avec leurs parents reste non seulement un confort financier et émotionnel, mais implique une protection contre les aléas de la vie.

Comparer deux cultures
Le contraste entre l’orient et l’occident est frappant, car si on les compare, il y a effectivement une différence par rapport aux liens intergénérationnels. En étant ancré dans cette vision sociétale associée à l’indépendance des individus, il y a la création d’un cycle récurrent. L’effet implique un relâchement des liens entre grands-parents, parents et enfants, car l’enfant devenu parent copiera la même relation qu’il a eue avec ses parents et la communiquera à son tour à son enfant. Ce cercle vicieux est souvent un des déclencheurs qui résulte de cet éloignement avec les aînés dans notre société. D’ailleurs, dans la série québécoise « Ces gars-là », Samir Khullar, plus connu sous son nom d’humoriste « Sugar Sammy », issu lui-même d’une famille indienne, nous illustre bien cette différence culturelle avec la culture d’ici. Il justifie le fait d’habiter avec ses parents à trente ans et critique les Québécois qui envoient leurs parents dans des maisons de retraite.

Bref, devons-nous, comme Québécois, réapprendre à bâtir une meilleure relation avec nos aînés afin de stopper ce cycle récurrent dans notre société ?