Par Amélie Châteauneuf, autrice

 

Je vous jure que si, un beau jour du mois d’août, mon mari se présentait devant moi avec les effets scolaires du petit sans que je lui aie demandé quoi que ce soit, j’aurais la surprise de ma vie.

Pourtant, nous sommes en 2019 [note de la rédaction : l’année de publication du livre] et j’ai un mari formidable.

Peu de choses dans la vie sont plus importantes que de prendre soin de ses proches et de ses enfants. On le fait de toutes sortes de façons, et cela passe aussi par la cuisine, le ménage, la lessive, l’organisation des anniversaires, les rendez-vous, etc. Selon toutes les études disponibles, les femmes assument la plus grande partie de ce travail, que ce soit pour leurs enfants ou leur conjoint, à qui elles sont unies par les liens du cœur, mais elles sont fatiguées.

Devant cette fatigue, je crois important de souligner ceci : les femmes peuvent être amoureuses, être de bonnes mères et vouloir plus d’équité dans le fonctionnement de leur quotidien. Il est possible d’aimer de façon lumineuse et inconditionnelle tout en n’en pouvant plus d’être celle sur qui on s’appuie.

Dans les statistiques, les seuls couples qui font un nombre vraiment semblable de tâches domestiques sont ceux où la femme travaille à temps plein à l’extérieur et où l’homme s’occupe exclusivement du foyer! Dans cette situation, la conjointe fait en moyenne 14,6 heures de tâches domestiques par semaine, alors que le conjoint, qui n’a pas de travail rémunéré à l’extérieur du foyer, en fait 15,2 heures par semaine (soit 5,14 minutes par jour de plus que sa conjointe)2. Le travail domestique est réparti moitié-moitié (à 5 minutes près), mais peut-on dire que c’est juste? Le Portrait statistique des familles au Québec constate le même phénomène : « Les inégalités se maintiennent [...], même lorsque la disponibilité du conjoint est rendue possible parce qu’il est chômeur ou travaille à temps partiel, et ce, malgré le fait que la conjointe est au travail à temps partiel ou à temps plein3. »

Quand vous n’êtes pas payée pour une partie ou la totalité de votre travail, votre compte en banque ne voit pas la couleur d’un chèque de paye, et cela conduit à davantage de pauvreté pour les femmes, notamment pour les femmes âgées.

Notre image du couple est souvent composée d’une femme « preneuse de décisions » et trop investie dans sa maison, et d’un homme qui se laisse porter par les événements parce que, de toute façon, il est exclu de ces décisions. Pourtant, la plupart des femmes ne contrôlent que les choses dont leur conjoint ne souhaite pas avoir la charge. Pensez-y : si les femmes avaient autant de pouvoir sur les décisions, elles auraient une retraite aussi correcte que leur conjoint.

J’espère que, toutes ensemble, les femmes arriveront à se libérer du sentiment de devoir que représente le travail domestique4. Nous devons arrêter de penser que c’est par ce travail que nous méritons l’amour de nos proches.

J’aimerais que ma génération ne soit pas remplie de femmes surmenées qui devront, à leur retraite, choisir entre être pauvres ou travailler jusqu’à 79 ans parce qu’elles ne peuvent compter que sur 59 % des revenus de retraite des hommes.

Or, pour que les femmes, en tant que groupe social, arrêtent de s’appauvrir en faisant plus que leur part de travail non rémunéré, le groupe des hommes doit accepter de partager équitablement ce travail non payé et, donc, d’en faire davantage. 

 

1. Châteauneuf, Amélie. Si nous sommes égaux, je suis la fée des dents.

2. Couturier, Eve-Lyne et Julie Posca. « Tâches domestiques, encore loin d’un partage équitable », Note socio-économique, Institut de recherche et d’informations socio-économiques, 2014, p. 3.

3. Dallaire, Louise (dir.), Paul Marchand et Joanie Migneault. « Un portrait statistique des familles au Québec », L’emploi du temps des familles et des personnes, Ministère de la Famille et des Aînés, 2011, p. 520.

4. Delphy, Christine. Pour une théorie générale de l’exploitation : des différentes formes d’extorsion de travail aujourd’hui, Paris, Éditions Syllepse, 2015, p. 45.