Samuel Tremblay et Maxime Pearson, cofondateurs
Nouveaux pères
Six petits mots. Une phrase toute simple. Une affirmation en apparence banale, mais qui synthétise bien l’esprit de la démarche de Nouveaux pères, créé en 2018, et de notre essai Papa, lève-toi! paru aux Éditions Saint-Jean et adapté en format audio pour la plateforme OHdio de Radio-Canada.
« Papa est aussi bon que maman. » Ni meilleur ni pire. Juste aussi bon. En 2025, c’est une idée qui devrait aller de soi au Québec, société la plus égalitaire en Amérique du Nord, fière de ses politiques familiales et de son généreux programme de congés parentaux.
Et pourtant, chaque fois que nous employons la formule, elle fait réagir. Elle provoque tantôt les rires ou les sourires. Elle génère tantôt des applaudissements bien sentis. Elle suscite parfois les objections et les débats. Toutes des réactions qui confirment une chose : nous vivons encore dans une société où le père représente, aux yeux de plusieurs, le deuxième parent.
Des progrès qui rendent fiers
Soyons clairs : lorsque nous regardons l’incroyable transformation subie par notre modèle familial au cours des dernières décennies, nous avons de nombreuses raisons de célébrer. Les nouveaux pères du Québec sont plus investis dans leur vie familiale qu’aucune génération ne l’a été avant eux.
Il y a 15 ans, seulement 20 % des pères québécois osaient prendre un congé de paternité. Nous sommes maintenant plus de 80 % à le faire, un sommet au pays. L’époque du père pourvoyeur – cette simple figure d’autorité incapable de changer une couche – est définitivement révolue. Les papas qui nous entourent sont impliqués dans toutes les étapes du développement de leurs enfants, de la pouponnière à la collation des grades. Ils sont des joueurs de premier trio au sein de leur équipe parentale.
En parallèle, sans délaisser leurs obligations à la maison, les mères ont pris leur place sur le marché du travail, notamment grâce à la création des services de garde éducatifs à l’enfance à la fin des années 1990. En à peine 25 ans, le taux d’emploi des Québécoises est passé de 65 % à environ 85 %, une hausse aussi rapide qu’exceptionnelle. Le Québec est aujourd’hui le deuxième endroit au monde où les femmes intègrent le mieux le marché du travail et même LA nation où l’écart entre les hommes et les femmes est le plus petit à cet égard. De quoi se bomber le torse et brandir fièrement son fleurdelisé!
Déséquilibre et double standard
Qu’à cela ne tienne, nous n’avons pas franchi le fil d’arrivée. La grande marche vers l’égalité n’est pas terminée. Malgré ces progrès remarquables qui font du Québec une société à l’avant-garde, il faut l’admettre : un déséquilibre tenace persiste entre les responsabilités familiales assumées par les mères et les pères. Et un écart aussi important – sinon plus! – demeure quant aux attentes et aux perceptions que la société entretient à l’égard des unes et des autres.
Lorsqu’il est question de parentalité, la règle du « deux poids, deux mesures » s’applique encore. Nous considérons toujours comme normales des mères qui font des choses exceptionnelles, et comme exceptionnels des pères qui font des choses tout à fait normales. Question de gagner du temps, on ne vous exposera pas ici tous les impacts de ce déséquilibre et de ce double standard sur les femmes. Bien des livres ont déjà été publiés sur le sujet. (La charge mentale, ça vous dit quelque chose?)
Mais qu’en est-il des pères? A priori, la situation peut venir avec certains avantages, à commencer par celui de pouvoir surpasser les attentes aisément. (Vive la reconnaissance facile !) Or, elle vient également avec un risque : se laisser convaincre que nous sommes moins bons. Finir par croire que nous sommes condamnés à jouer les seconds violons… jusqu’à ce que nos enfants aient l’âge de conduire un « char ». Que maman sait nécessairement mieux faire que nous. Parce qu’elle est une maman et nous, « seulement » un papa. Que nous sommes, fondamentalement, « l’autre parent ». Et, ce faisant, se contenter d’un rôle de passager dans le projet le plus important d’une vie : la famille.
Casser le moule, ensemble
Il ne tient d’abord qu’à nous, les pères, de casser ce moule dans lequel la société veut parfois nous enfermer. Il ne tient qu’à nous de prendre notre place. D’assumer notre juste part des responsabilités familiales. De revoir notre relation parfois déséquilibrée avec le travail. De nous impliquer dans toutes les sphères de la vie de nos enfants. De défier les conventions et les stéréotypes. D’être des pères engagés, aimants, présents et à l’écoute.
La marche vers l’égalité a d’abord et avant tout été menée, jusqu’ici, par les femmes. Notre tour est sans doute venu d’assumer davantage de leadership pour parcourir le reste du chemin à leurs côtés. Pour elles, pour nos enfants, mais aussi pour nous. Parce que les pères ont tout à gagner à construire un modèle familial plus égalitaire, dans lequel ils peuvent jouir pleinement du bonheur d’être papa.
Cela dit, casser le moule traditionnel est aussi une responsabilité collective. Tous les petits gestes comptent. Une éducatrice ou une enseignante qui se tourne vers papa, autant que maman, lorsqu’un enjeu surgit avec son enfant. Un employeur conciliant lorsqu’un père s’absente du travail pour se rendre aux rendez-vous médicaux de ses enfants. Une mère qui fait confiance à son conjoint et accepte ses façons de faire différentes. Des chums de gars qui, autour d’une bière, parlent avec ouverture de leur vie familiale et de leur rôle de père. Toutes les personnes qui gravitent autour des jeunes familles peuvent faire une différence.
Une façon d’aborder la parentalité
« Papa est aussi bon que maman. » Six petits mots. Une phrase toute simple. Une idée qui se résume à ceci : au-delà de trois fonctions biologiques essentielles – porter un enfant, accoucher, allaiter –, les femmes n’ont aucune compétence spécifique relative aux enfants qui soit inaccessible aux hommes.
C’est une mentalité, une façon d’aborder la parentalité, une posture. Une posture que nous avons tous le pouvoir d’adopter. Nous, les pères. Et toutes celles et tous ceux qui nous entourent.
Six petits mots… qui ont le pouvoir de changer la société dans laquelle nos enfants grandiront…
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